Steven Long Mitchell
& Craig W. Van Sickle , Créateurs et producteurs du Caméléon
Steven et Craig se
sont rencontrés au début des années quatre-vingt.
Pendant quelques mois, ils s'improvisent comédiens et forment un
duo comique écumant les petits théâtres au sud de
la californie. Ils se sont ensuite consacrés à part entière
à l'écriture vendant leurs premiers scénarios aux
producteurs de "Murder, She wrote" ("Arabesque") et
"Alien Nation".
Après avoir signé le script de plusieurs épisodes
de ces deux séries, Steven et Craig sont engagés par Warner
Bros Television pour développer de nouveaux concepts de séries.
Ensemble, ils ont produit les séries "Cobra" (dont ils
sont également les créateurs), "Street Justice"
et "Flash".
Avez-vous toute
liberté sur la série ? Vous paraissez si jeunes !
SLM: La chaîne et le studio nous ont donné carte blanche.
C'est assez différent sur d'autres séries. Nous sommes seuls
maîtres à bord.
CVS: Ils nous sont reconnaissants d'avoir créé cette série
et surtout d'y avoir cru dès le début, ce qui nous permet
de travailler en dehors du système. Nos recherches sont entièrement
validées par le fait que nous y croyons. Les gens se disent que
nous connaissons les personnages, que nous savons mieux que personne où
va l'histoire, c'est pourquoi nous avons les mains libres.
SLM: Nous sommes les seuls à connaître le déroulement
futur de la série. Nous ne révélons rien à
l'avance aux scénaristes ni aux acteurs. Ils ne savent pas ce que
sera le final de la saison, ni où nous en serons dans cinq ans,
bien que nous nous le sachions. Ce qui permet à chacun de rester
" frais "et au mystère de perdurer.
Comment travaillez-vous
avec les réalisateurs ?
CVS: Nous essayons de travailler avec un groupe de réalisateurs
qui comprennent la série comme Fred Keller, qui a réalisé
le final de la première saison et l'un des tout derniers épisodes.
Nous prenons le temps de discuter avec eux avant qu'ils ne commence à
tourner pour leur expliquer ce que nous attendons d'eux.
Pourquoi vos personnages sont-ils si ambigus ? Est-ce un des traits de
vos caractères ?
SLM: Je ne sais pas si nous sommes ambigus. Tu crois qu'on est des gens
ambigus ?
CVS: Je n'en sais rien !
SLM: En fait, nous avons créé à dessein un univers
où, à chaque fois que l'on apprend quelque chose au sujet
de quelqu'un, on est en droit de se demander si c'est la vérité
pure.
Pour le premier épisode, nous avons écrit des dialogues
qui tous ont un double sens.
Le lendemain matin de la diffusion d'un épisode, les gens se demandent
: " A ton avis, qu'a voulu dire Mlle Parker quand... " ou "
Est-ce que le père de Jarod... ? " C'est la raison pour laquelle
Jarod n'a pas de nom de famille. Mlle Parker n'a pas de prénom,
seul Jarod le connaît. Sydney n'a pas de nom de famille non plus.
Il y a une part de mystère derrière tout cela. Le téléspectateur
fidèle est en mesure de collecter des informations au fil des épisodes
et réussit à construire un puzzle dont les pièces
se mettent en place petit à petit.
Comment est née
cette série ? Aviez-vous lu des livres sur Ferdinand Demara
CVS: Il a été notre source d'inspiration. Il est le plus
célèbre des Caméléons qui ont existé.
Nous avons fait des recherches sur les dispositions psychologiques des
Caméléons.
Nous avons été fascinés. Demara a été
moine trappiste, professeur de médecine, chirurgien...
SLM: Il a aussi fait partie de la marine, de l'armée, même
au Canada, il a été gardien de prison.
Nous étions fascinés de découvrir que, dans la réalité,
certains étaient capables de telles transformations. Sur le plan
psychologique, le plus important est qu'ils ne craignent rien. Lors d'une
opération chirurgicale, ils ont totalement confiance en eux, ils
savent qu'ils sont capable de la faire. Ils n'éprouvent aucune
anxiété.
CVS: C'est le genre de personnalité qui peut aborder un étranger.
Au bout de cinq minutes, ce dernier est déjà en train de
lui raconter toute sa vie ! Un personnage de série à grande
écoute qui peut s'immiscer dans la vie des gens et qui peut aborder
un monde différent chaque semaine fait appel à notre tendance
à éviter la nouveauté.
SLM: Personne ne veut devenir du jour au lendemain pilote ou chirurgien.
Jarod, si. C'est un enfant très spécial : il sait piloter
un avion mais il ignore tout des crèmes glacées. Les qualités
de Jarod lui permettent de rendre la justice telle que nous voudrions
tous qu'elle soit rendue. Jarod place le méchant de l'histoire
dans la même situation émotionnelle que celle dans laquelle
celui-ci a placé sa victime.
Pensez-vous que les gouvernements utilisent de vrais Caméléons
?
SLM: Nos recherches ne nous ont pas permis d'arriver à cette conclusion
!
Que pensez-vous de vos trois acteurs vedettes ?
CVS: Michael a été le premier que nous avons engagé.
Nous avons tout de suite su qu'il était notre homme, qu'il pourrait
avoir ce côté enfantin en même temps que du génie.
Andrea plaisante aujourd'hui au sujet de " Parker & Parker "
puisque c'est son propre nom et celui du personnage.
SLM: Il est impossible d'imaginer quelqu'un d'autre dans ce rôle.
Patrick, lui, a deux qualités. Il donne toute sa saveur à
la série et il lui apporte sa touche franco-belge. Cela permet
au Caméléon de présenter cet aspect réaliste
et en même temps d'être une série qui parle à
tout le monde, y compris en dehors des Etats-Unis.
CVS: C'est pourquoi nous utilisons le Centre comme contre-point à
ce qui se passe au dehors. Mais revenons à Patrick. Le Centre,
comme vous le savez, est un endroit énigmatique. On ne sait jamais
très bien ce qui s'y passe, une impression renforcée par
nos dialogues à double sens. C'est bien d'avoir Patrick qui n'est
pas un habitué des séries télé et qui accentue
l'aspect double sens du Caméléon.
SLM: Patrick permet de donner à son rôle plusieurs sens.
C'est exactement l'effet que nous recherchions. Sydney a élevé
Jarod qui fut donc un sujet d'expérimentation mais aussi un fils
pour lui. Jarod déteste sans doute Sydney, mais il l'aime aussi
beaucoup parce que c'est de lui qu'il tient sa moralité, ses émotions.
Si Sydney était un personnage totalement noir, Jarod ne serait
pas devenu l'homme qu'il est.
Pourriez-vous imaginer une histoire dans laquelle Jarod prétendrait
être un producteur comme vous ?
SLM: On essaie quand même de conserver un soupçon de réalisme
dans cette série ! On pourrait le faire, bien sûr.
CVS: Ce serait certainement un épisode amusant pour nous, mais
pas forcément pour les téléspectateurs.
SLM: Pour terminer, je voudrais ajouter que nous sommes très touchés
par le succès que remporte Le Caméléon en Europe
et en France en particulier.
Propos recueillis
par Série Club.(extrait de "Génération Séries"
N°24)
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