Le
12 décembre 1921 naissait à Lawrence (Massachusetts) Ferdinand
Waldo Demara Jr. Il vécut une petite enfance à l'aise. Alors
qu'il était encore tout jeune, sa famille devait déménager
à la périphérie de la ville à la suite d'un
revers de fortune de son père. Il ne voulait pas le croire.
Découragé
et désoeuvré, le jeune Ferdinand a, pendant quelque temps,
été confié à un cousin de Woonsocket (Rhode
Island), le Père Desmarais, de la branche de la famille qui avait
gardé intacte l'orthographe de ce nom bien québécois.
Au cours d'une promenade, ils longèrent un monastère de
moines trappistes cisterciens et Ferdinand se dit qu'il aimerait bien
y expérimenter l'austère vie de moine, ce qu'il fit peu
de temps plus tard, après avoir terminé ses études
secondaires.
Rude vie en effet.
Debout à deux heures du matin, contemplation et prières
; à 5h30, petit déjeuner frugal suivi de durs travaux physiques
jusqu'à 11h30, heure du repas principal. Travaux physiques rigoureux
ensuite, puis études et discipline mentale, le tout suivi d'un
maigre repas. Toutes ces activités se déroulent dans le
silence le plus strict. Pendant deux ans, notre Ferdinand devient le Frère
Marie-Jérôme et il se défoule sur deux mulets «
répondant » aux noms de Luther et Lucifer, dont on lui confie
la charge.
En 1941, il s'enrôle
dans l'armée américaine. Il déserte et revient à
Lawrence où son père l'engueule pour manque de patriotisme.
Au lieu de se constituer prisonnier, Ferdinand devient le marin Fred W.
Demara de la U.S. Navy. Tout en faisant le ménage dans le bureau
du commandant de la base de Norfolk, il y subtilise du papier à
lettre à en-tête officiel de la Marine au moyen duquel il
fait venir les comptes rendus et relevés de notes du docteur Robert
Linton French, détenteur d'un Ph.D. en psychologie de l'université
de Stanford, officier de Marine en vacances prolongées. En vacances
lui-même à Lawrence, Ferdinand en profite pour aller au presbytère
de sa paroisse pour y rafler enveloppes, baptistères, certificats
de mariage, et papier à lettre officiel. Puis, de retour à
Norfolk, il laisse un petit paquet de ses vêtements de marin sur
le quai, avec une note disant : « Je me suis rendu ridicule. C'est
ma seule porte de sortie. Pardon et adieu. F. W. Demara. »
Puis il se dirige
vers le monastère trappiste Gethsemani (Kentucky), où il
se présente sous le nom de Dr Robert Linton French, qui devient
le Frère Marie-Jérôme au noviciat. Il y reste un an.
Toujours sous le nom de Dr French, il étudie ensuite la théologie,
la cosmologie, l'épistémiologie, etc. à l'université
De Paul, à Chicago, recommandé par le directeur du monastère.
À l'automne de 1945, le « Dr French » se fait nommer
doyen de l'École de philosophie du collège Gannon, à
Érié, Pennsylvanie ; puis on le retrouve en train de donner
des conférences au collège Saint-Martin, près de
Seattle, où il est arrêté comme déserteur en
temps de guerre. Condamné à six ans, il est relâché
au bout d'un an et demi pour bonne conduite.
Il s'en va ensuite
à Grand Falls (Nouveau-Brunswick), chez les Frères de l'Instruction
chrétienne, pour y suivre un noviciat. Il y rencontre le docteur
Joseph Cyr, un diplômé d'Harvard ; il devient son ami. Celui-ci
désirant aller travailler aux États-Unis, notre Frère
Marie-Jérôme lui demande de lui donner copie de tous ses
diplômes et documents, pour qu'il les achemine à qui de droit.
Avec ces renseignements
en main, Ferdinand s'engage comme médecin officier sous le nom
du Dr Cyr dans la Marine canadienne où il est affecté au
HMCS Cayuga, qui part en mission en Corée en septembre 1953. Il
pose alors un acte médical de taille. Son bateau recueille 19 Coréens
blessés entassés dans une jonque, dont trois grièvement,
qui doivent subir des interventions chirurgicales sur-le-champ. Il extrait
des balles, arrête des hémorrhagies, et sauve tout le monde,
mais la célébrité que lui vaut cet exploit le fait
identifier par le vrai Dr Cyr, et il est renvoyé de la Marine.
Une revue lui verse
2 500$ pour qu'il raconte son histoire puis on le retrouve comme gardien
de prison au Texas sous le nom de Ben W. Jones, où un détenu
le reconnaît, à cause de sa photo parue dans le magazine.
Il nie tout, affirme qu'il y a méprise mais se sauve dans la nuit.
Il se trouvé un travail sous un autre nom d'emprunt (Frank Kingston)
dans un foyer pour jeunes handicapés mentaux, puis il est devenu
une vedette de shows télévisés où il racontait
ses frasques.
Ferdinand Waldo Demara
Jr. termine présentement sa carrière sous son vrai nom,
comme pasteur dans une paroisse du Nord-Ouest des États-Unis, sur
la côte du Pacifique.
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